Sur la route de Damas



Junior à l’assaut du Krak des Chevaliers



du 26 décembre 2008 au 9 janvier 2009



Dimanche 21 décembre 2008 à 23h45 :

Je suis d'avis que les meilleurs voyages sont ceux qui brouillent notre perception spatio-temporelle.
Comme dirait l'autre: "The best journeys offer us the gift of time travel". 

A l'occasion de cette trève de fin d'année, je m'apprête à embarquer pour une nouvelle quinzaine itinérante "op den stoel", 2HC-style. Pays coincé entre Israël, la Jordanie, le Liban, L'Irak et la Turquie, j'ai jetté mon dévolu sur la Syrie. Le seul nom de cette destination évoque toute la richesse historique du Moyen Orient.

Le vaisseau amiral Scott sort de l'entretien et a retrouvé une nouvelle jeunesse. Un serieux décrassage s'impose encore pour le pilote. Il me reste à passer en revue la check liste avant le départ. Le principe habituel reste de mise: voyager leger!  C'est très juste pour le visa, mais cela devrait le faire.

Damas c'est pour mercredi et c'est partit jusqu'au 9 janvier.  Accrochez vos ceintures va y avoir des turbulances.  Oooooyeah!

Jr.

Damas la millénaire
26 et 27 décembre 2008


C'est finalement le 25 décembre que j'embarque sur le vol Maleev Airlines pour rejoindre Damas avec une brève escale à Budapest.
Atterrissage à 3:30 du matin dans un aéroport désert. Formalités douanières habituelles sans encombre et extrême politesse des officiels Syriens.
Je récupère ma cargaison, aucune casse a déplorer. Welcome to Syria avec les compliments de son président, Bashar Al Hassad, dont le portrait figure sur chaque pan de mur.

Je rejoins rapidement un petit Guest House dans la vieille ville de Damas, en plein souk. Courte nuit partagée dans un dortoir où séjourne un groupe de sexagénaires russes au ronflement dolby-stéréo-THX. Le muezzin a lui aussi droit à la parole, l'appel à la prière se fait à 5 heure à travers des baffles hyper saturés et encourage même les infidèles a se lever au milieu de la nuit. Allah akbhar.

La vieille ville de Damas grouille d'activités même si le vendredi est le jour du repos. Je déambule dans les souks kilométriques et plonge dans une ambiance d'un autre temps. Damas est la plus vieille du monde. Les vestiges romains se superposent aux influences orientales. La grande mosquée Umayyad est un lieu social ou règne une ambiance très détendue ou toute la famille se rassemble à l'heure de la prière. Ma prochaine halte sera le Hammam Nur Ad-Din, le plus vieux hammam de la ville. Le port de la big moustache y est de rigueur et les massages se rapprochent d'avantage à des séances de contortionismes pour haltérophiles. Après un ponçage décapant et une séance de cuit-vapeur, je suis enturbanné de la tête au pied, laisser reposer 30 minutes...le roastbeef est prêt pour la découpe.

Mes plans pour la quinzaine qui s'annonce sont de rejoindre la ville d'Aleppo au nord en passant par les villages chrétiens en bordure de frontière Lybano-Syrienne et en m'arrêtant au Krak des Chevaliers. Selon le timing, je suis également tenté d'emprunter la route de désert d'Aleppo à Palmyr et croiser les bédouins, pour un retour le 8 janvier à Damas. J'ai eu la chance de valider mon trajet avec Sébastien de Fooz qui l'a en grande partie emprunté lors de son périple pédestre de Gand à Jérusalem et plus récemment en 2CV avec un compagnon de voyage. Je me réjouis particulièrement de faire étape dans les monastères qui bordent la route. Saydnaya est la première étape de mon périple et une première mise en jambes.
Mosquée
Mosquée Umayyad

Hammam
Hammam Nur Ad-Din
Seydnaya
Seydnaya

Seydnaya monastère
Monastère Seydnaya

maaloula village
Village de Mal'oula

Maaloula monastère
Monastère de Mal'oula

Les villages chrétiens des montagnes Qalamoun

Le 27 décembre 2008

Brève rencontre avant mon départ avec deux militaires autrichiens en permission à Damas. En mission pour l'ONU, leur base est cantonnée sur les hauteurs du Golan, immense zone tampon entre Israël et la Syrie.  L'un deux a déjà fait une partie du pays à vélo, il trépigne en me voyant prendre le large. Cap plein nord, il est 14:30.

Comment sortir de ce dédalle de ruelles et boulevards sans aucune indication en alphabet. Les indications reçues en rue se contredisent, à trois reprises je rebrousse chemin pour me retrouver à mon point de départ. Je perds un temps précieux avant de trouver la sortie de la ville et la première indication vers les contreforts des montagnes Qalamoun. 

Il fait nuit à 16:30 et la température baisse rapidement.  La route sinueuse monte d’un gradient constant et exigeant. Dur, dur comme mise en bouche. Ma torche frontale m’annonce aux automobilistes dont l'allure est celle d'une course de côtes à tombeau ouvert. 

Seydnaya, petit village à flanc de collines est une bourgade sans âmes peu inspirante. 

Un octogénaire m'acquiesce en Arabe et rapidement tente sa chance en français.  Ancien chef de chantier chez Bouygues, il jubile d'avoir enfin l'occasion d'exercer son français quelque peu rouillé.  Nous buvons le thé et il me présente à chaque membre de sa famille comme si nous nous étions toujours connu. Il m'offre le gite, mais je lui fais part de mon intention d'aller tenter ma chance au Couvent Orthodoxe de Seydnaya.

Le couvent a des allures de citadelle fortifiée éclairée au sommet du village. J'arrive transis de froid au couvent.  La porte d'entrée est logée dans le mur d'enceinte. Sœur Anna m'y accueille avec un sourire d'ange. Le gite et le couvert tel est le sort réservé aux pèlerins égarés.


Le 28 décembre 2008

Cette fois-ci le muezzin s'est tu, par contre les cloches veille à un réveil matinal.  La lumière matinale révèle l'activité des sœurs orthodoxes. Les matines ont déjà commencées.  Des passages sous voutes rejoignent les cours et bâtiments du couvent. Splendeur architecturale, Seydnaya n'en est pas moins le deuxième lieu de pèlerinage le plus important pour les orthodoxes après Jérusalem. 

Départ à 9:00 après avoir déambulé dans le monastère. Exposé au soleil, le froid piquant matinal disparait rapidement. J'opte pour un itinéraire montagneux peu fréquenté et qui me rapproche de la frontière libanaise.  Au premier passage de col, j'observe la chaine montagneuse de l'Anti-Liban enneigée qui se dessine dans un ciel azur.  Je passe le village de Rankus et emprunte la route des crêtes qui mène à Yabrud.  Une garnison militaire en route et quelques villageois éberlués me saluent avec enthousiasmes.  Sallam! Sallam!

Chaque arrêt dans un village aboutit systématiquement à une invitation à boire le thé ou manger une portion de pois chiches cuits, de houmous ou d'olives. 

L'étape du jour me mène jusqu'à un nouveau monastère orthodoxe, celui de St Thekla dans le village de Mal'oula.  Ce village est un des rares endroits où l'Araméens, la langue de JC (pas le notre, l'autre JC...), est encore utilisé comme langue courante.  Elles sont une quinzaine de sœurs à œuvrer dans cette communauté isolée. Je suis soigné aux petits oignons.

Le 29 et 30 décembre 2008

Départ de Ma'loula après un petit déjeuner partagé avec les petites sœurs orthodoxes du couvent.  Afin d'éviter les grands axes je reprends la route de Yabrud pour me diriger vers An Nabk et le monastère de Mar Mousa,... et toujours ce froid hivernal aux premiers coups de pédales. Splendide route avant de rejoindre une configuration plus désertique.  Pause déjeuner dans une petite gargote de An Nabk, Kebab et Houmous au menu. On me refuse l'addition, courtoisie syrienne du patron.

Un vent de face ralentit ma progression, Mar Mousa n'est plus qu'à 20 km.  Le paysage rocailleux est splendide et offre une vue dégagée sur ce désert mitoyen avec l'Irak.  Cette même route fut empruntée par les convois militaires américains pour l'acheminement de matériel sur Bagdad.  Le monastère de Mar' Mousa est coincé dans une gorge rocailleuse et culmine au sommet d'un escalier de 365 marches qui sillonnent à flanc de montagnes. Mon vélo restera au pied de la colline.

Bénéficiant d'une vue imprenable sur le désert,  ce monastère isolé a vu le jour grâce aux efforts de Frère Paolo, un colosse jésuite italien.  A l'origine, le monastère a été fondé au 11ieme siècle par le fils d'un Roi Ethiopien,  depuis 1988 Frère Paolo consacre sa vie à sa reconstruction.  L'édifice est impressionnant et abrite aujourd'hui deux bâtiments indépendants principaux avec de nombreuses cavités troglodytes aménagées.  Tout le monde y est accueilli à condition de mettre la main à la pate.  Je ne suis pas seul à profiter de cet endroit exceptionnel.  Une communauté de voyageurs indépendants y a également établis ses quartiers, certains y sont depuis plusieurs mois d'autres ne sont que de passage. De nombreuses nationalités sont représentées: chinois, tchèque, ukrainien, belge, français, italien, slovaque, hollandais... Les repas du soir se font dans une joyeuse ambiance communautaire.  Vaisselles, cuisine, lessive, construction, il y a de quoi occuper chaque personne de bonne volonté.  Une heure de méditation précède la messe prévue tous les jours à 7h30 et 19h30. Libre à chacun d'y participer.  Les nuits sont fraiches avec des températures qui descendent sous zéro. Le lever du soleil face à la barrière rocheuse qui supporte ce monastère est époustouflant.

Je passerai deux jours et deux nuits en compagnie de cette joyeuse communauté.  Frère Paolo se déplacera en Belgique en février afin de se voir remettre le titre Honoris Causa de l'Université de Louvain-la-Neuve et de celle de Leuven.

Non sans un petit pincement au cœur, je les quitte le 31 au matin sous une brume tenace pour reprendre la route.  Le Krak des Chevaliers est en ligne de mire.


Marmousa
Monastère de Mar Mousa

Vue Marmousa
Vue du Monastère

Plus d'informations sur :
http://www.jesuites.com/compagnons/marmoussa/index.html
Désert an Nabk
Désert entre An Nabk et Mar Musa

Krak
Krak des Chevaliers
Le 31 décembre 2008
La Sibérie en Syrie


Les premiers kilomètres à rebrousse chemin de Mar Mousa à An Nabk se font sous une pluie verglaçante.
Le paysage à perte de vue lors de mon arrivée a disparu pour laisser place à une épaisse brume. 30 minutes suffisent à me transformer en glaçon.  Difficile d'éprouver le moindre plaisir à évoluer dans de telles conditions, les pieds trempés, les mains gelées et cette maudite pluie verglaçante. 

A An Nabk, je trouve refuge chez un commerçant qui me regarde d'un air inquiet, il me prend pour un demi-fou. Le temps de sécher mes chaussures et mes gants et de m'enfiler un litron de thé bien chaud et me voila repartit sur les routes.  Rien n'y fait les conditions sont devenues purement et simplement apocalyptiques.  La neige semble tenir et mes pieds geler.  La route qui mène à Homs est fort fréquentée.  Un bus fait mine de s'arrêter sous mes signes insistant, mais continue sa route à mon approche.  C'est un camionneur attentionné qui me prendra en stop jusqu'à Homs. Sur la route nombreuses sont les voitures surprises par le mauvais temps. Par manque d'habitude de rouler dans de telles conditions, c'est rapidement l'hécatombe: des voitures et des camions jonchent sur les bas cotes, le bus qui avait fait mine de s'arreter est couche sur le flanc.  On roule a pas d'homme.  ll tombera 20 cm de neige en quelques heures. 

A Homs, mon bon Samaritain de camionneur me propose de faire 40 km de detour jusqu'à la sortie qui mène au Krak des Chevaliers.  Il m'embrassera très chaleureusement sur les deux joues avant de me laisser à mon triste sort au bord de la route. 25 km me séparent encore de ma déstination, les routes sont enneigées et il me reste une heure de pénombre. 

Il est 18:30 quand j'arrive au village du Krak des Chevaliers.  Je n'aurai pas le courage de continuer jusqu'au monastère St Georges 2km plus loin pour y trouver le gite mais décide d'opter pour un hôtel sans charmes mais qui offre eau chaude et une carte de menu variée.  Je tombe de fatigue bien avant les douze coups de minuit fourbu d'une journée passée en Siberie.
Le 1er janvier 2009

Casse à répétition

Lever de bonne heure et petit déjeuner frugal, me voilà déjà sur la route au lever du jour.  La neige tombée la veille s'accroche. Le ciel dégagé et la température annoncent toutefois une possible fonte en cours de journée.  J'aperçois le Krak des Chevaliers. Etonnante vision que ce château des Croisades parfaitement conservé et dont la configuration actuelle est rigoureusement identique à sa conception initiale datant du 12ième siècle.  Godefroid de Bouillon semble s'en être modestement inspiré pour son fief Ardennais. Abritant une garnison de près de 2000 soldats et 400 chevaliers, cet édifice a résisté aux invasions multiples et n'est jamais tombé entre les mains ennemies. Le fortin fut occupé par l'Ordre des Hospitaliers dont le rôle était de veiller à la protection des croisés et pèlerins en route vers Jérusalem.

Je confie mon vélo à un commerçant du village et, en raison d'une épaisse couche de glace qui recouvre la route, j'effectue à quatre pattes les derniers km qui montent jusqu'aux remparts.  Je suis seul dans l'enceinte.  La visite terminée je ferai le détour vers le monastère Orthodoxe St Georges, datant du 6ième siècle.

Thé, thé, thé et re-thé, au bout d'un moment je suis contraint de refuser les multiples invitations, ce n'est pas l'envie qui me manque mais j'ai de la route à faire.  Je modifie quelque peu mon itinéraire en prenant la direction "Masyaf". La route semble praticable, une cinquantaine de km montagneux me séparent de la ville.  Deux crevaisons coup sur coup à déplorer. Le public apprécie mon numéro de réparation et vient en nombre à chacune de mes représentations.  

Ayant été relativement épargné par la casse lors de mes voyages précédents, la chance semble cette fois-ci me tourner le dos.  Apres une chute sans gravité, le dérailleur à dégusté, il me lâchera 3 km plus loin emportant quelques rayons au passage.  Grosse déprime.  J'ai quelques pièces de rechanges et pense toutefois pouvoir réparer sur place.  Mohamed, Mustapha et Abed me viendront également en aide.  Je suis miraculeusement en selle après tout juste une demi-heure, 2 maillons en moins à ma chaîne et 3 rayons manquants. 

La route grimpe et les voitures se font moins nombreuses.  Gants, capuches, sous-couches, couches, sur-couches, je déleste mes fontes pour mieux me couvrir...encore ce froid piquant.

La réparation d'urgence effectuée en milieu d'après-midi ne tiendra que pendant 20 km d'ascension.  Le diagnostic cette fois-ci est beaucoup plus grave: impossible d'opérer sur place, c'est ici que s'achève mon effort vélocipédique.  Damned!!  Reste que je suis au milieu de nulle part, que la nuit tombe et que je suis frigorifié.

Les routes enneigées rendent toute traversée impossible, inutile donc de compter sur un hypothétique camion. Au bout de 5km à pied je tombe sur un premier village. Il y a peu de lumière mais deux individus viennent à ma rencontre pour comprendre le merdier dans lequel je me suis foutu.  Ni une, ni deux, je suis invité chez l'un deux à 1/4 heure de marche supplémentaire.  Il vit avec ses deux enfants, sa femme et sa mère dans une modeste maison en dehors du village.  Nous passerons la soirée et la nuit dans une pièce surchauffée au poêle à bois en communiquant tant bien que mal la joie respective qui nous procure cette rencontre inhabituelle.  Je suis comblé d'attention et comprends que le voyage opère sa magie...je ne sais ni où, ni chez qui je suis et je suis accueilli avec beaucoup de générosité comme un membre de la famille.  Shukran.
krak
Krak des Chevaliers

Pour approfondir :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Krak_des_Chevaliers

croisade

Bouillon
Château de Bouillon

st georg
Monastère Saint Georges

Masyaf
Château de Masyaf

hama2
Hama

Apamea
Apamea

Serjilla
Serjilla
Le 2 et 3 janvier 2009

Petit déjeuner familial avec ma famille d'adoption syrienne avant de repartir.  Une douce pente jusqu'à Masyaf m'évite de devoir trop pousser le vélo. Je quitte le massif montagneux pour retrouver la plaine. 

Rapide visite du château de Masyaf (12e siècle), l'un des camps retranchés de la fameuse secte des Assassins qui semait la terreur dans toute la région et dont le mouvement avait débuté depuis la vallée d'Alamut et qui n'était autre que le point de départ de mon périple iranien de l'année dernière.
 
Je profite d'un camion de marchandises pour m'amener vers Hama, ville connue pour ses gigantesques roues a eau.  Ces ingénieux systèmes datant du 5e siècle après JC, assuraient une irrigation parfaite de la région. Ce n'est que 400 ans plus tard que les premiers mécanismes de ce type firent leur apparition en Europe, c'est dire l'avance que les Arabes avaient alors sur le reste du monde.  Dans les années 80, Hama fut également le théâtre d'une révolte initiée par certains groupuscules islamistes et vigoureusement combattue par les chars d'Hafez Al Assad.  A l'époque, Amnesty International avait dénoncé cette action qui avait fait plus de 10.000 morts.

Je suis à peine arrivé en ville que Mustapha insiste pour me venir en aide et trouver le moyen de réparer mon vélo. Bien que nous soyons vendredi, jours de prière, il activera son réseau pour m'amener chez LE spécialiste du vélo à Hama, dépêché tout spécialement pour moi.  Muafak est professeur de mécanique mais consacre tout son temps libre au vélo.  Ancien champion de Syrie, il a aujourd'hui 50 ans et entraîne un peloton de jeunes espoirs en plus de réparer les vélos des jeunes de son quartier depuis son petit magasin-atelier.  Il participe régulièrement à des rencontres internationales et participe au calendrier des courses au Moyen Orient: Tour du Quatar, Tour d'Egypte, Tour d'Arabie Saoudite,...Amoureux du vélo, il y consacre ses modestes moyens et représente à lui seul la Fédération de Cyclisme Syrien.  Je suis décidemment comblé par cette rencontre providentielle et par la chance qui me sourit à nouveau.  Il me fixe rendez-vous le lendemain et promet une cure de jouvence pour mon bexon.

J'en profite pour visiter avec Mustapha les alentours de la ville et consacre la journée du lendemain au site d'Apamea et à la visite des villes mortes de Serjilla et Al-Bara.  Splendides ruines, vestiges du 5e siècle après JC, qui témoignent d'une activité luxuriante autour de villes à l'ambition architecturale prononcée et qui semblent avoir été abandonnées du jour au lendemain par ses occupants, à la faveur des villes côtières.  Les ruines de ces villes fantômes sont dispersées sur un périmètre de 30km sur 140 km dans une région montagneuse et offrent un témoignage extraordinaire de la manière dont vivaient ses habitants.  Le site tout entier est en cours de classification au rang de patrimoine mondial de l'UNESCO.

Je retrouve Scott après son opération. Muafak a tenu promesse: nouveaux dérailleurs, roue dévoilée, nouveaux rayons.  Malgré mon insistance, il refusera catégoriquement que je lui règle les pièces et son travail d'orfèvre.  Dans un anglais plus qu'approximatif, le sourire aux lèvres et les yeux qui pétillent, il me dira: "Syrian hospitality. Welcome to Syria my friend. Bicyclette very good. You go!"  Ainsi soit-il.  Nous parlerons encore 2 bonnes heures de vélo, du Tour de France et d'Eddy Merckx (dont il connaît chaque exploit et dont il apprécie les vélos). Chic type ce Muafak.

Le 4 et 5 janvier 2009

Véritable muse à ciel ouvert et livre d'histoire vivant, la Syrie permet de passer en revue de nombreuses civilisations qui nous ont précédées.  Romain, Mamelouk, Mongols, Croisés, Perses, Arabes, tous y sont passés et tous en ont impreigné leur influence.  Riche d'une histoire tumulteuse faite d'invasions et d'échanges, la Syrie garde toutefois une identité forte et indépendante.  Maillons fort sur la poudrière du Moyen Orient, la Syrie est résolument engagée dans un mouvement de modernisation.  Les évènements qui secouent Gaza et dont les images véhiculées par la chaine Al Jazeera saturent les écrans rappellent leur solidarité absolue à la cause palestinienne.  Les manifestations de soutien à leurs frères palestiniens se multiplient dans les villes.  

Je quitte Hama et décide de rejoindre Aleppo en bus au milieu de la nuit pour tenter de récupérer une journée précieuse.  La raison d'être d'Aleppo, deuxième ville de Syrie, a toujours été le commerce.  Sa localisation stratégique sur la route de la soie était un passage obligé pour les caravanes qui se déplacaient de la Méditerrannée à la Chine.  Dans la vieille ville, patrimoine mondial de l'Unesco, le commerce continue de foisonner.  Véritable fourmilière, les souks d'Aleppo sont les plus denses du Moyen Orient et totalisent quelques 12 km de dédales et impasses. Je m'y aventure à vélo et y passe l'essentiel de la journée.  Mon hôtel, le Dar Zamaria Martini, est un ancien palais ottoman dans le quartier chrétien de la ville. 

Je prévois la journée complète du lendemain pour visiter la ville morte et la basilique de St Simeon qui à l'époque de sa construction (6e siècle) pouvait se vanter d'être la plus grande église au monde.  80 km d'une route asphaltée roulante sépare le site de St Simeon d'Aleppo.  Délesté de mes fontes, l'allure est rapide, le retour sera plus secoué dans une benne de camion.  La route directe Aleppo-Palmyre, longue de 270 km à travers le désert, que j'envisageais de prendre, s'avère trop incertaine.  Plus apparentée à une piste qu'une route, le traffic y est quasi nul et peu de villages jallonnent le parcours. Peu raisonnable donc pour un voyageur solitaire. Ces raisons évoquées me semblent suffisantes pour me faire changer d'avis.  Palmyre est un passage obligé avant de rejoindre Damas et ponctuer mon voyage, je la rejoindrai à vélo depuis la ville de Homs que je rallierai en bus.

Homs-Palmyre: 160 km au programme pour cette dernière journée de vélo et ma première prise de contact avec le vrai desert.
alep1
alep2
Aleppo (Alep)

St Simeon
Basilique Saint Siméon
palmyre1
palmyre-temple
palmyre3

welcome

Le 6, 7 et 8 janvier 2009

Homs, ville industrielle de Syrie, occupe la ligne de démarcation entre le désert et la chaine montagneuse qui borde la côte. Ancienne étape majeure sur la route de la soie, Homs n'en demeure pas moins l'une des principales portes vers ce désert qui mène jusqu'à la frontière irakienne.  A mi-chemin se trouve la palmeraie de Palmyre.  Longue journée à vélo en perspective.

Nuit passée dans un "cheap palace" au centre ville pour l'équivalent de 7 euros la nuit, pas de quoi me plomber le budget des vacances.  Je suis déjà en route au lever du soleil après un petit déjeuner méditerranéen: houmous, fromage de chèvre, olives, tomates et piments.  Le soleil ne perce pas l'épaisse brume qui m'accompagne jusqu'à la sortie de la ville.  Le trafic est modéré, seuls quelques camions rejoignent les raffineries de sucre et les mines de phosphates situées à un jet de pierre des faubourgs de la ville.  Les zones industrielle une fois dépassées, la route se fait plus solitaire et plus longilignes.  Les repères visuels en bord de route disparaissent pour ne laisser qu'une ligne d'horizon à 360°.  Cap plein Est pendant les 140 km qui me séparent de Palmyre. Etrange impression que de pédaler sans avoir l'impression d'avancer. Le paysage ne défile pas et pourtant les kilomètres se déroulent sur le compteur à un rythme hypnotique et une cadence soutenue.  Un vent de pif ralentit toutefois la vitesse et contribue lourdement à fatiguer le moteur.  

A l'horizon...toujours rien en dehors de cette étendue caillouteuse de sable à perte de vue.  Le thermostat indique 10 degré, pas de quoi craindre l'insolation. Ma consommation d'une gourde pour 30 km me permet de boucler les 90 premiers km à une moyenne honorable de 23 km/h.  Il me reste 50 km jusqu'à destination.  Une mauvaise gestion de l'effort et un vent qui redouble d'intensité auront raison de ma moyenne horaire qui passe sous les 20 km/h.  Sans prévenir la route se divise en deux, un panneau indique les directions: Baghdad à droite, Palmyre à gauche.

Moins de 200 km me séparent de la frontière irakienne.

Refusant systématiquement la propositions de navettes des camionneurs en cours de route, je finis par céder à 15 km de Palmyre pour me permettre d'arriver avant la tombée de la nuit. Je m'endors instantanément dans la cabine du camion au son du ronronnement du moteur et me réveille en sursaut 15 minutes plus tard à notre arrivée à Palmyre.  L'émerveillement est total, le coucher du soleil sur le site archéologique est splendide.  Depuis les hauteurs avoisinantes on distingue l'étendue des ruines de ce que fut jadis une ville prospère dés le 3e siècle après JC. Située entre Antioche et les rives de l'Euphrate, cet oasis fut le lieu de passage des caravanes de marchandises qui empruntaient la route du désert, moins périlleuse et plus sûr que celle de la côte.  Un imposant fort Arabe, juché en sentinelle sur une colline à l'entrée de la ville assurait la protection des habitants.

Dernière halte avant mon retour sur Damas, j'en profiterai pour visiter a vélo les alentours de la ville.  J'y rencontrerai également un couple de français qui sillonnent depuis 8 mois l'Asie-central avec entre autre de traversées, celle de la Russie, de la Mongolie, du Kirghizstan, de l'Ouzbék   istan et de l'Iran.  Respect ! Autre rencontre inédite sera aussi celle d'Anna Baltzer, jeune americaine vivant en Palestine et auteur du livre: "Witness in Palestine: A Jewish American Women in Occupied Territories".  Parlant couramment français, anglais et arabe, et militante pour la cause palestinienne, elle ne mâchait pas ses mots sur le rôle d'Israël dans la spirale de violence engagée aujourd'hui dans les territoires occupés.

Damas n'est qu'à trois heures en bus de Palmyre. Je m'y perdrai une dernière fois à vélo avant de regagner l'aéroport, le temps de m'imprégner encore une fois de cette ville millénaire du Moyen Orient.  La gentillesse dont les syriens abondent et qui m'a soutenue tout au long de ce périple m'a profondément touché. S'il est une phrase en anglais que les syriens connaissent, c'est "Welcome to Syria !".  Je n'oublierai pas ce que j'ai vu, ni ceux que j'ai rencontré, leurs visages, leur générosité,...je retiendrai de ces routes Syrienne, qu'il n'est pas d'étranger qui ne s'y sente pas le bienvenu.  Inshallah! 
LES PHOTOS OFFICIELLES SONT ICI    


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